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Le Traité de Fan Li (5ème Siècle av. JC) et la pisciculture en Chine

di Billard R.

Le Traité de Fan Li sur la pisciculture, rédigé en Chine il y a 2500 ans, serait l’ouvrage le plus ancien concernant la pisciculture mais l’édition originale a été perdue et il n’existe aujourd’hui qu’un texte repris du livre "Les importantes techniques acquises par le peuple du Royaume de Qi" de Jia Si-xie pendant la Dynastie des Wei postérieur qui a régné dans l’ouest de la Chine de 534 à 557 av. JC. Wu Youwei et Ma Xinming du bureau de l’Association pour les Recherches sur l’Histoire des Pêches en Chine ont été chargés de réaliser une version d’extraits de ce texte et de les faire traduire en plusieurs langues. Voici la présentation en langue française, légèrement modifiée (essentiellement quelques simplifications, un réarrangement dans l’ordre des thèmes et la suppression de redondances).

Introduction

Le Traité de Fan Li sur la pisciculture, intitulé aussi "L’Elevage des Poissons de Tao Zhu Gong" (1) est un ouvrage estimable qui montre le niveau de l’élevage des poissons en Chine au Ve siècle BC; il constitue un résumé des riches expériences sur l’élevage des carpes dans les étangs. La Chine est le plus ancien pays pour l’élevage des poissons dans le monde. Elle a une longue histoire et des expériences abondantes sur la production et un niveau élevé de technique scientifique. Pour faire connaître aux lecteurs chinois et étrangers ce document historique d’une grande valeur scientifique, et pour accélérer les échanges scientifiques l’Association de Recherches sur l’Histoire des Pêches de Chine, sur suggestion de l’Académie des Produits aquatiques de Chine, a décidé de rédiger et de publier le Traité de Fan Li en langues anglaise, japonaise, russe, française et espagnole.

Ce sont les camarades Wu Youwei et Ma Xinming du bureau de cette Association qui se sont chargés de la rédaction de ce livre. Conformément à l’avis et l’exigence de l’Académie des Produits aquatiques et l’Association de Recherches sur l’Histoire des Pêches, ce livre est la traduction en chinois contemporain du texte adapté des "Commentaire sur les importantes techniques acquises par le peuple du Royaume de Qi", révisé et noté par le camarade Miao Qi-yu. Au cours de la rédaction, nous avons été soutenus et aidés par de nombreux camarades et unités intéressés, nous les remercions vivement. À cause de l’insuffisance du niveau scientifique des rédacteurs, les erreurs et les défauts sont inévitables. Nous espérons sincèrement que les spécialistes et les lecteurs nous feront part de leurs remarques et leurs recommandations. Dans l’avant-propos on a donné une vue générale et une appréciation sur le texte même et sur sa valeur scientifique.

Avant-propos

Le Traité de Fan Li sur la pisciculture, d’après l’histoire, a été écrit par Fan Li du Royaume de Yue, à la fin de l’époque "Printemps-Automne, Période des hégémons V (I-VIeme siècles av. JC)". Fan Li naquit à Wan (actuellement le district de Nanyang de la province du Henan) du Royaume de Chu et avait un autre prénom Shao Bo. Etant "Da Fu" (haut fonctionnaire) du Royaume de Yue, il travailla plus de 20 ans auprès du roi Gou Jian. Il faisait tous ses efforts pour rendre le royaume puissant et prospère. Après avoir anéanti le Royaume de Wu et conquis l’hégémonie pour le Royaume de Yue, il donna sa démission et se retira de la vie politique. Ensuite, il quitta le Royaume de Yue et s’installa au Royaume de Qi en changeant son nom en Chi Yi Zi Pi. Il s’y enrichit par le commerce. Sa fortune s’éleva à plusieurs dizaines de millions. Il fut nommé enfin Premier Ministre du Royaume de Qi. Et après, il abandonna de nouveau de sa fonction et distribua ses biens privés. Lorsqu’il s’installa à Tao (actuellement la région nord-ouest du district de Dingtao de la province du Shandong), il s’appela Tao Zhu Gong. Comme Tao se trouvait au centre des communications fluviale et terrestre de la plaine centrale, le commerce y était florissant. C’était à l’époque une des villes les plus prospères. Fan Li y fit aussi du commerce et devint ainsi un des plus riches du pays. Doté d’une prévoyance sans pareille Fan Li était renommé non seulement pour sa stratégie politique, mais aussi pour son administration financière ayant pour but de s’enrichir. Sa pensée économique a été bien estimée par des générations successives.

Fan Li accordait une grande importance à la pisciculture. D’après les récits dans "Les Chroniques des Royaumes de Wu et de Yue" et "Une Vue générale du district de Shan Yin", il proposa, au cours de son service auprès du roi Gou Jian au Royaume de Yue, d’élever des poissons afin d’enrichir le pays et réalisa son projet en creusant les étangs destinés à l’élevage des poissons. Ainsi, obtint-il de gros bénéfices à Huaiji (actuellement le district de Shaoxing de la province du Zhejiang). On a constaté, d’après l’histoire de Fan Li, rapporté dans "les Chroniques" rédigées par Sima Qian, que l’élevage des poissons et la pêche jouaient un rôle important dans la possession de grandes fortunes à Tao au Royaume de Qi. D’après le Traité de Fan Li sur la pisciculture, lorsque le roi du Royaume de Qi lui demanda quelle voie on devait suivre pour s’enrichir, il donna la priorité à la pisciculture et recommanda l’élevage des poissons comme le moyen le plus important pour améliorer la vie du peuple.

Dans le Traité de Fan Li sur la pisciculture, on mentionne une série complète d’expériences sur l’élevage des carpes. Bien que le texte ne soit pas long, le contenu est très abondant. Les importantes techniques de production telles que l’objet de l’élevage, la structure des étangs pour poissons, les standards et les saisons de l’élevage des poissons destinés à la reproduction, la proportion des poissons femelles et mâles, l’élevage serré et la pêche alternative, etc, ont atteint un haut niveau.

L’une des expériences très appréciées du Traité de Fan Li est de choisir la carpe comme modèle de l’élevage dans les étangs. Elle montre sa grande prépondérance au point de vue de la production et de l’économie. Si on choisit d’élever des carpes, c’est parce qu’elles ne dévorent pas leurs semblables, grandissent facilement et se vendent cher. On peut profiter de la règle de sa reproduction naturelle dans les étangs pour résoudre le problème de la fourniture des alevins. La méthode recommandée par Fan Li de perpétuation des poissons destinés à la reproduction est simple, efficace et facile à populariser. En effet, l’élevage des carpes a procuré de gros bénéfices et a jeté une base technique du développement de la pisciculture.

La structure des étangs décrite dans le Traité de Fan Li se conforme aux conditions de la vie des poissons. Il y a "neuf îles et huit vallées" construites dans l’étang, et les vallées ont une profondeur différente. Comme dans les fleuves et les lacs naturels, les poissons peuvent nager autour de "neuf iles" et se reposer dans les "vallées" selon leurs exigences aux différentes saisons et à celles de toutes les étapes de croissance et de reproduction, tout en créant des conditions favorables pour que les poissons y croissent bien. La construction des étangs conçue conformément aux milieux écologiques des eaux naturelles pour des poissons est sans doute scientifique. Le Traité de Fan Li constate que l’élevage serré, la pêche alternative, les réserves en alevins, les mesures pour se reproduire naturellement sont toutes des expériences judicieuses pour atteindre un grand volume de production et obtenir des effets économiques par l’élevage des poissons. Même aujourd’hui, l’élevage serré et la pêche alternative sont aussi des mesures efficaces pour atteindre un gros volume de la production et une augmentation des revenus.

À cause des limites dues aux circonstances historiques, certains commentaires sont teints de mythologie et quelques légendes paraissent invraisemblables dans le texte. En somme, le bilan fait des expériences acquises de l’élevage des poissons et sa valeur scientifique atteste que le texte de l’Elevage des Poissons de Fan Li constitue un précieux patrimoine de la pisciculture de notre pays.

Le Traité de Fan Li sur la pisciculture a exercé une grande influence sur la pisciculture pendant des générations successives. D’après des documents historiques, She Zhong fonctionnaire Xi Yu de la Dynastie des Han postérieur (25-220) construisit des étangs et y éleva des poissons selon les méthodes recommandées par Fan Li. Les modèles des étangs et des étangs avec talus trouvés dans des tombeaux de la Dynastie des Han postérieur dans les provinces du Shanxi, du Shaanxi et du Sichuan ont montré que la pisciculture avait été développée et généralisée. D’ailleurs, les importants anciens ouvrages d’agriculture écrits plus tard tels que "Le Livre d’Agriculture" de Wang Zhen de la Dynastie des Yuan (1276-1368), "L’Elevage des Poissons" de Huang Sheng-zeng de la Dynastie des Ming (1368-1644). "L’Encyclopédie d’Agriculture" de Xu Guang-qi, etc., ont tous rapporté les textes du livre "Les importantes techniques acquises par le peuple du Royaume de Qi". Surtout Huang Sheng-zeng et Xu Guang-qi ont développé, en se basant sur les expériences acquises, les techniques de la pisciculture. En fin de compte, le Traité de Fan Li sur la pisciculture a joué un role important dans la propagation de la pisciculture.

Vue sommaire du Traité de Fan Li sur la pisciculture

Le roi Wei du royaume Qi, avait très courtoisement fait venir Tao Zhu Gong pour lui confier un poste. "On me rapporte, lui dit-il, que lorsque vous étiez au Tai Hu (Grand Lac) (Figure 1) vous vous appeliez Yu Fu, au royaume Qi, vous vous appeliez Chi Yi Zi Pi, dans les régions sauvages de l’Ouest, vous vous appeliez Chi Jing Zi et au royaume Yue, vous vous appeliez Fan Li. Est-ce exact?" "Tout à fait exact" répondit Tao Zhu Gong. Le roi Wei continua: "Vous possédez des mille et des cents en argent liquide et votre fortune se chiffre en centaines de millions. Quels moyens avez-vous employés pour accumuler une fortune pareille?" Tao Zhu Gong répondit: "Il y a cinq moyens pour faire fortune et en premier lieu, il y a l’argent aquatique". Par là, j’entends creuser des étangs et élever des poissons. Faisons creuser un étang de six mu (2), en y aménageant neuf petits îlots. Nous prendrons ensuite des carpes de 3 pieds (3) de long, 20 femelles portant des œufs et 4 mâles, que nous lâcherons avec précaution dans l’étang le jour geng (4) de la première décade de février (5) et sans que l’eau n’émette de bruit; ainsi, tous les poissons vivront. Au mois d’avril, nous y lâcherons une tortue comme garde, en juin, nous y en lâcherons deux et en août, trois. Pourquoi faut-il lâcher des tortues dans l’étang? Lorsque les poissons atteignent le nombre de 360, le dragon vient les emmener; mais s’il y a des tortues dans l’étang, les poissons ne s’envoleront pas. Dans l’étang, les poissons vont et viennent autour des neuf îlots sans rencontrer d’obstacle, ils s’imaginent être dans un grand lac. En février de l’année suivante, il y aura dans l’étang, quinze mille carpes d’un pied de long, quarante-cinq mille de 3 pieds de long et dix mille de 2 pieds de long. Chaque carpe valant 50 sapèques (6), nous en obtiendrons 1250000 sapèques. À la troisième année, les carpes dans l’étang, auront atteint les chiffres suivants: 100000 de 1 pied de long, 50000 de 2 pieds, 50000 de 3 pieds et 40000 de 4 pieds. En conservant 2000 de 2 pieds de long pour la reproduction, nous vendrons tout le reste qui nous rapportera 5150000 sapèques (7). À la quatrième année, le nombre des poissons aura atteint un chiffre énorme.

Le monarque du royaume Qi fit alors creuser un étang dans son jardin intérieur pour y élever des poissons. Dans l’étang, il y avait neuf îlots et entre les neuf îlots, il y avait 8 fosses profondes. L’eau dans l’étang était profonde de 2 pieds, dans les fosses, elle atteignait six pieds. En une année, il réalisa un bénéfice de plus de 300000 sapèques.

Postface

La Chine est le plus ancien pays de l’élevage des poissons dans le monde. Elle en a une longue histoire et des expériences abondantes sur la production et un niveau élevé de technique scientifique. Le Traité de Fan Li sur la pisciculture, traduit en chinois contemporain par Zong Yi Zi, a été publié dans la revue, l’"Histoire de Pêche" No. 1, 1983. Les versions en langues étrangères ont été faites d’après la version de Zong.

La pisciculture d’étang actuelle en Chine

Les performances de la pisciculture en étang

La pisciculture en étangs d’eau douce a donc des racines très anciennes en Chine. Actuellement la pisciculture qui se pratique dans ce pays présente une originalité majeure; il s’agit de la polyculture associée à une intense fertilisation organique sous la forme de divers effluents d’élevage (lisier de porc-voir Figure 2, fientes de volailles, fumier de bovins, voire même des effluents domestiques). Cette fertilisation organique génère un réseau trophique d’une grande complexité que les pisciculteurs chinois valorisent au mieux par la polyculture; cette dernière consiste à l’introduire dans l’étang plusieurs espèces de poissons qui vont effectuer une prédation aux différents niveaux du réseau trophique. Classiquement il est fait appel à des espèces consommant du phytoplancton (carpe argentée) du zooplancton (carpe commune et carpes marbrée), du benthos (carpe noire, dans le cas spécifique des mollusques et carpe commune). Les performances de la polyculture sont considérablement améliorées par la fertilisation organique, d’ailleurs la polyculture ne se justifie que dans le cas de fertilisation.

Des expériences de Zhu et al (1990), sur des étangs de plus de 300 m2, montrent que l’application quotidienne de lisier de porc à raison de 30-50 kg de MS/ha dans un système de polyculture à 7000 têtes/ha ( 15% de carpe de 120 g, 50% d’argentée de 60 g, 10% de marbrée de 150 g et 2,5% de carassin de 12 g) se traduit par un rendement moyen de poisson de 10 kg/ha/j, soit 1 kg de poisson (en poids vif) pour 8 kg (MS) de lisier distribué. La distribution quotidienne augmente la production de 38% par rapport à une distribution hebdomadaire.

Ce système permet des productions exceptionnelles, dépassant communément 5 t/ha/an sans aucun apport alimentaire exogène. La Chine est d’ailleurs le 1er pays producteur mondial de poissons avec, si les chiffres donnés sont exacts, plus de 9 millions de tonnes de cyprinidés en étangs.

Fertilisation organique et polyculture relèvent en fait du concept plus large de l’intégration agro-aquacole, l’aquaculture étant partie intégrante des activités agricoles, faisant usage des terres peu productives où non utilisées, faisant appel à des équipements communs, recyclant des effluents d’élevage et utilisant des aliments pour poissons (céréales, oléagineux). Les berges des étangs sont surélevées, reçoivent la vase issue du curage des étangs et sont cultivées (Figure 3). L’intégration agro-aquacole inclus aussi en Chine l’élevage dans les eaux ouvertes, en lacs par exemple (cf le pacage lacustre ci-après).

Ce concept a vraisemblablement été élaboré en Chine. En fait ce savoir-faire concernant les techniques intensives de fertilisation organique/polyculture n’existe qu’en Chine et dans quelques autres pays asiatiques. Il faut noter que les pisciculteurs chinois disposent de structures adaptées (étangs vidangeables de petite surface entre 3000 et 10000 m pourvus d’aérateurs (Figure 4) avec des berges accessibles aux engins. De l’air peut ainsi être insufflé dans les étangs apportant si nécessaire de l’oxygène et dans une moindre mesure du CO. Les pisciculteurs assurent par ailleurs un suivi du réseau trophique (Figure 5) et disposent finalement d’un ensemble de moyens d’intervention leur permettant de bien maîtriser le milieu. L’un des aspects de cette maîtrise set la possibilité d’exploiter le poisson sans vidanger l’étang (Figure 6). Il y a cependant des problèmes non résolus comme celui de la qualité hygiénique du produit en milieux fortement fertilisés et le risque de voir apparaître des recombinaisons virales susceptibles d’affecter l’homme du fait de la mise en présence d’effluents humains, aviaires et porcins.

La technique chinoise est surtout basée sur un savoir-faire empirique transmis oralement (et ne s’exporte pas aisément, voir ci-après). Jusqu’à un passé récent, il n’y avait pas de support écrit à l’exception de l’"ouvrage" de Fan Li auquel les Chinois se réfèrent constamment. Il faut noter que dans le texte de Fan Li, ci-dessus il est fait état d’ouvrages généraux d’agriculture (qui reprennent d’ailleurs Fan Li) mais pas de textes récents. Si le développement récent de la pisciculture s’est fait apparemment sans support écrit, on peut alors se demander quel a été l’apport de Fan Li compte tenu de son caractère sommaire ne donnant que des généralités bien éloignées du niveau technique, même s’il est empirique de la pisciculture chinoise actuelle. L’intérêt du texte dérivé de Fan Li est de montrer que l’idée d’élever du poisson dans des étangs existait à une époque ancienne (même si elle est récente comparée au début de l’élevage des animaux terrestres au Néolithique). Le texte montre que l’importance de maîtriser la production d’alevins était clairement perçue et qu’il y avait maîtrise au moins partielle de la reproduction (introduction de géniteurs à un moment donné). S’y ajoute l’aspect profit financier qui constituait manifestement une forte motivation. Cette antériorité dans l’élevage explique aussi que la carpe a pu, au cours d’une longue période d’élevage, être réellement domestiquée, c’est-à-dire que toutes les phases du cycle vital ont été maîtrisées et que les individus ont été adaptés aux conditions de captivité et à des objectifs de production précis (le poisson rouge Carassius auratus élevé comme poisson d’ornement depuis plus de 1000 ans en Chine est lui aussi réellement domestiqué). Il est fait état d’illustrations d’étangs dont certains avec talus (cf talus d’étangs actuels sur les Figures 2 à 6) trouvés dans des tombeaux de la Dynastie des Han postérieur ce qui montre que le système s’est peu à peu élaboré.

Le pacage lacustre en Chine

Une production non négligeable de poissons est assurée en Chine par le pacage lacustre. Il s’agit d’un ensemencement en juvéniles de lacs, la récolte étant assurée par pêche classique. Ce système de production est encore très dépendant du milieu naturel, tout en faisant appel à une phase d’élevage portant en général sur les jeunes stades et il n’y a pas de façon culturale ni fumure ou apports alimentaires, les milieux étant en général fortement eutrophisés. En Chine, le pacage lacustre consiste à produire des juvéniles en écloseries en faisant appel aux structures utilisées pour la pisciculture classique. Les géniteurs sont rassemblés dans un point de l’étang (Figure 7) et reçoivent un traitement hormonal (Figure 8). Les larves écloses (en général de cyprinidés) sont placées en cages ou enclos dans lesquels elles sont alimentées et élevées jusqu’à une taille leur permettant de résister à la prédation. À la taille requise, les enclos sont ouverts et les juvéniles sont lâchés dans le milieu même où ils grossiront et seront pêchés (Figures 9-10). La taille au lâcher dépend de celle des poissons piscivores présents dans le milieu. Dans un lac près de Wuxi, les espèces de carnassiers rencontrées ne consomment pas de poissons dont la taille dépasse 13 cm, ce qui définit la taille minimale au lâcher. Ce système suppose l’intervention d’un corps de pêcheurs professionnels qui peut être partie intégrante de l’entreprise. Il y a appropriation de la ressource, l’entreprise se voit concéder l’espace et empêche les poissons de s’échapper en barrant les entrés et sorties par à l’aide filets (Figure 11). Il faut toutefois les ouvrir à la demande pour laisser le passage à la navigation. Le pacage se pratique aussi dans des réservoirs de stockage d’eau pour l’irrigation des cultures ou dans des rivières et fleuves.

Des élevages se pratiquent aussi dans les lacs et réservoirs, en enclos et en cages jusqu’à la taille marchande mais alors l’apport alimentaire dû au plancton ou au benthos est insuffisant et des aliments exogènes sont apportés. Il s’agit de granulés, céréales et sous-produits divers venant de l’agrosystème ou de produits venant du lac lui-même. Il y a ainsi une intégration entre les diverses activités de cueillette-culture pratiquées sur la terre et sur les eaux. Tous ces systèmes de production sont le plus souvent combinés et peuvent se trouver associés sur un même lac, par exemple le pacage lacustre, des élevages en cage, intensifs ou extensifs, et des activités de cueillette portant sur des végétaux et des mollusques redistribués aux poissons dans le lac même ou dans les étangs (Figure 12). Yang et al. (1992) identifient six principaux systèmes intégrés de production aquacole dont certains peuvent être combinés.

La diffusion du modèle piscicole Chinois dans le monde

On peut s’étonner que des systèmes d’élevage très performants et peu coûteux, ne se soient pas répandus dans le monde et en particulier dans les pays en voie de développement.

Les technologies chinoises ont bien été reprises en Europe centrale dans les années 50 puis par les israéliens dans les années 60 qui les ont rationalisées. De là elles ont été réintroduites et diffusées vers l’Europe mais les développements ont été limités car le système polyculture était basé sur les carpes chinoises sans grande valeur commerciale.

Les chinois sont intervenus en Algérie, mais curieusement ils ont implanté des systèmes intensifs avec distribution de granulés à des carpes. Les efforts de formation de techniciens de PVD dispensés par la FAO en particulier à Wuxi en Chine ne semblent pas s’être traduits par des extensions spectaculaires du système chinois hors de la Chine.

L’un des obstacle est l’absence d’espèces locales susceptibles d’être associées en polyculture et souvent, on a eu recours à des introductions de carpes chinoises, mais dans le cas de ces systèmes très élaborés le simple transfert d’espèces ne suffit pas. Il y a vraisemblablement aussi des raisons sociales et culturelles et des refus, au moins dans les pays riches, de produits dont la qualité hygiénique reste à améliorer. Il n’en reste pas moins que la Chine a élaboré et développé, au cours de plus de deux millénaires, des systèmes aquacoles extrêmement performants et qu’elle est actuellement, et de loin, la première puissance aquacole mondiale.

Conclusion

Il paraîtrait logique que, face au défit alimentaire auquel on est confronté, un intérêt plus marqué soit porté au système chinois.

Plusieurs faits nouveaux sont apparus récemment et sont de nature à réhabiliter la polyculture de poisson en étangs, c’est-à-dire association d’espèces et fertilisation organique. Plusieurs axes de Recherche/Développement sont à considérer.

Il faut bien établir les conditions de production permettant d’obtenir un produit irréprochable du point de vue bactériologique et parasitologique et une gestion des effluents qui limite les risques de recombinaisons virales.

Le renouveau d’intérêt pour "l’organique" devrait aider les produits issus de polyculture à trouver une image de marque "écologique".

Il faut identifier des espèces nouvelles, si possible locales, susceptibles d’être associées en système de polyculture (on voit apparaître en polyculture des espèces nouvelles par exemple des esturgeons benthophages voire même planctonophages dans le cas du poisson spatule).

Les méthodes actuelles de biologie moléculaire permettent des analyses génétiques au niveau individuel et des possibilités d’amélioration génétique dans le cas d’espèces se trouvant en situation de polyculture ce qui n’etait pas possible jusqu’à présent. Tout cela vaudrait d’être considéré dans le cadre d’un ou plusieurs programmes R&D internationaux.

R. Billard

Muséum National

d’Histoire Naturelle

Laboratoire d’Ichtyologie

Notes

1) Tao Zhu Gong est le surnom de Fan Li qui a pour autre nom Shao Bo. Les dates de sa naissance et de sa mort restent à préciser. Originaire de la région Wan du royaume Chu (actuellement Nanyang de la province du Hénan), il fut connu vers la fin du royaume Printemps et Automne (environ cinq siècles av. JC). Au service du monarque du royaume Yue, il fut tout d’abord Da Fu, fonctionnaire lettré puis promu Shang Jiang Jun (grand général). Selon le "Recueil de Biographies" paru dans les "Mémoires Historiques" de Sima Qian, Fan Li, ayant aidé le monarque du royaume Yue à anéantir le royaume de Wu en l’an 473 av. JC, donna sa démission, s’appela Chi Yi Zi Pi en arrivant au royaume Qi puis Tao Zhu Gong lors de son séjour dans la région de Tao.

2) Mu, unité de mesure de superficie, un mu des Zhou équivaut environ à 1,89 hectare.

3) Pied, unité de mesure de longueur, un pied des Zhou équivaut environ à 0,231 m.

4) Le jour Geng est le septième jour d’une décade. Le calendrier de l’ancienne Chine désigne an, mois, jour par une série de signes dont Geng prend le septième place. Selon ce calendrier, il y a trois décades, soit trente jours par mois donc trois jours Geng chaque mois.

5) Ici, le mois de février est calculé selon le calendrier des Zhou. Selon le calendrier solaire, ce doit être le mois de décembre. Les mois d’avril, de juin et d’août mentionnés ci-dessous doivent êtres répétés de la même façon.

6) Sapèque, pièce de monnaie de la Chine antique.

7) Le chiffre de 1250000 ne concorde ni avec le montant des 5150000 sapèques mentionné ci-dessous, ni avec la valeur globale des poissons dont le nombre est inféré dans le texte.

Références

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Billard R. (1989b), L’aquaculture extensive en eaux douces, in J. P. Troadec (editor), l’Homme et les Ressources Halieutiques, Paris Ifremer, Chap. 10: 1-30.

Billard R. (1995), Les systèmes de production aquacole et leurs relations avec l’environnement, Cahier d’Agriculture, 4: 9-28.

Billard R. — Dabbadie L. (1993), Production systems in aquaculture, Proc. 4th Nat. Symp. Oceanogr. Fisheries Rhodes, Greece, 405-417.

Billard R. — De Pauw N. — Micha J. C. — Salomoni C. — Werreth J. (1989), The impact of aquaculture in rural management, in N. de Pauw and R. Billard (editors), Aquaculture Europe’89, Gent EAS Sp Publ, 12: 57-91.

Cruz C.R. de la — Costa-Pierce B.A. — Caranga V.R. — Bimbao M.P. (1992, editors), Ricefish research and developmental in Asia, Metro Manila, Iclarm, Philippines, 458 pp.

Yang H. — Fang Y. — Chen Z. (1992), Integrated fish farming systems in China and allocation of ressources, World Aquaculture, 23: 61-68.

Zhu Y . — Yang Y. — Wang J. — Hua D. — Mathias J.A. (1990), The effect of manure application rate and frequency upon fish yield in integrated fish farm ponds, Aquaculture, 91: 233-251.



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